Démarche
Apprivoiser ce matériau sollicite la force corporelle; l’expérience de transformation est donc physique, mais aussi poétique. L’œuvre, pour l’essentiel, naît d’une action directe avec la matière à assembler. Le geste est le résultat de l’action et de la confrontation avec ces deux caractéristiques du métal, souplesse de la feuille et rigidité structurelle du matériau. En déployant dans l’espace un minimum de matière pour un maximum d’effet, en lui donnant des mouvements parfois exubérants, aux limites de l’équilibre, je remets en cause les notions de gravité et de stabilité.
Résolument non-figuratives, mes réalisations ne sont pas non plus du domaine strict de l’abstraction : à partir du moment où le geste exprime une émotion ou une réflexion, l’œuvre est déjà empreinte de sensibilité. À cet égard, l’art public se doit de communiquer avec ses regardeurs.
En ce sens, comme vous le constaterez sans doute, ma feuille de route dans le domaine de l’art intégré à l’architecture révèle une continuité de ma démarche : réaliser des œuvres grand format et participer de façon active à l’urbanisme et à l’aménagement d’espaces publics.
Qu’il s’agisse de bâtiments anciens ou d’édifices au design contemporain, les matières minérales que j’utilise ainsi que leur traitement contribuent de manière significative, tel un catalyseur, au dynamisme et à la mise en valeur de l’espace.
L’opposition du solide et du souple prend tout son sens du fait que les poutrelles que je fabrique pour mes œuvres, contrairement à l’armature des bâtiments, sont habituellement de forme courbée et croissante. À l’image de ce qui survient dans la danse, l’énergie est issue de tensions ou de polarités. Cet art extraordinaire me fascine par la communion des regards et de la sensualité des corps en mouvement et par cet espace réinventé de beauté et de gestes où l’émotion sans mot s’exprime par l’intensité et le désir. L’art, par sa vulnérabilité et sa précarité, déchire parfois les porte-à-faux de l’imaginaire.
Claude Millette, sculpteur